Absorption
L'absorption et la diffusion de la bupivacaïne dépendent de très nombreux paramètres :
type d'injection,
profil du patient,
concentration, dose totale injectée,
caractéristiques physico-chimiques de cet anesthésique : solubilité dans les graisses élevée (fixation préférentielle sur les tissus riches en graisse : cur, poumon, cerveau); pKa de 8,1; au pH de 7,4 ; 83 % de la fraction libre du produit est sous forme ionisée.
Distribution
Fixation aux protéines plasmatiques (préférentiellement les alpha-1 glucoprotéines) très élevée : de l'ordre de 95 % aux doses utilisées en thérapeutique.
La demi-vie de distribution tissulaire est d'environ 30 minutes et le volume de distribution est de 72 litres.
Il existe une diffusion placentaire : le rapport sang ftal/sang maternel est de l'ordre du tiers.
Élimination
La bupivacaïne est presque exclusivement métabolisée par le foie par dégradation par le système mono-oxygénasique dépendant du cytochrome P450. La presque totalité de la bupivacaïne injectée est éliminée sous forme de métabolites. Le métabolite principal est le 2,6 pipécoloxylidine. Aucun des métabolites de la bupivacaïne n'est actif ou toxique aux concentrations plasmatiques observées.
Environ 5 à 10 % du produit sont éliminés par voie urinaire sous forme active.
La demi-vie apparente d'élimination est de 3h30.
Concentrations plasmatiques
Après administration rachidienne, et compte tenu des faibles quantités administrées, les concentrations sanguines sont très faibles.
Les concentrations plasmatiques auxquelles peuvent apparaître les premiers signes de toxicité neurologique et cardiaque sont de 1,6 µg/ml.
Chez les enfants, la pharmacocinétique de la bupivacaïne est similaire à celle des adultes.
Les effets indésirables liés aux anesthésiques locaux sont très rares en l'absence de surdosage, d'absorption systémique anormalement rapide ou d'injection intravasculaire accidentelle ; dans ces cas, ils peuvent être très graves, notamment sur le plan cardiaque et neurologique .
En l'absence de taux plasmatiques anormalement élevés, le profil des effets indésirables de la bupivacaïne est analogue à celui des autres anesthésiques locaux à liaison amide de longue durée d'action.
Les effets indésirables observés en l'absence de surdosage sont:
Très fréquents (> 1/10) :
Affections vasculaires : hypotension,
Affections gastro-intestinales : nausées.
Fréquents (> 1/100) :
Affections du système nerveux: céphalées liées à ponction lombaire, paresthésies
Affections de l'oreille et du labyrinthe : vertiges
Affections cardiaques : bradycardie, tachycardie
Affections gastro-intestinales : vomissements
Affections du rein et des voies urinaires : rétention d'urine
Troubles généraux et anomalies au site d'administration : hyperthermie.
Peu fréquents (> 1/1000) :
Affections du système nerveux : hypoesthésies.
Rares (> 1/10000) :
Affections du système immunitaire : réactions allergiques (choc anaphylactique)
Affections oculaires : strabisme, diplopie.
Fréquence indéterminée :
affections du système nerveux : anesthésie péridurale ou administrations régionales dans la région thoracique ou dans la région de la tête et/ou du cou pouvant induire un blocage sympathique entraînant des symptômes transitoires tels qu'un syndrome de Horner, un syndrome d'Harlequin.
Les effets indésirables liés à l'administration du médicament peuvent être difficiles à différencier des effets physiologiques du bloc nerveux (par exemple : baisse de la pression artérielle, bradycardie durant une anesthésie centrale), des effets induits directement (hématome rachidien) ou indirectement (méningite, abcès péridural) par une aiguille de ponction ou des effets associés à une fuite du liquide céphalorachidien (exemple : céphalée par brèche dure-mérienne).
Lors d'une rachianesthésie, les céphalées, plus fréquentes chez le sujet jeune peuvent être prévenues par l'utilisation d'aiguilles de 25 gauges.
De plus, les complications neurologiques suivantes peuvent survenir après une anesthésie épidurale ou une rachianesthésie. Ces complications peuvent être irréversibles ou incomplètement, lentement résolutives:
radiculopathie persistante;
neuropathie périphérique;
paraplégie;
syndrome partiel ou complet de la queue de cheval se manifestant par la rétention urinaire, une incontinence fécale et urinaire, la perte des sensations périnéales et des fonctions sexuelles, anesthésie persistante, paresthésie, faiblesse, paralysie des membres inférieurs et perte du contrôle des sphincters. Tous ces symptômes peuvent être lentement résolutifs ou persister définitivement.
hématome sous dural intracrânien.
Population pédiatrique
Chez les enfants, les effets indésirables sont similaires à ceux des adultes. Toutefois, les premiers signes de toxicité des anesthésiques locaux peuvent être difficiles à détecter chez l'enfant, notamment dans les cas où le bloc est effectué sous sédation ou anesthésie générale.
Surdosage
L'injection dans le liquide céphalorachidien d'une quantité excessive de bupivacaïne est susceptible d'entrainer une extension du bloc qui peut conduire à l'anesthésie des structures supra médullaires (rachianesthésie totale).
Un surdosage, une injection intravasculaire accidentelle, une absorption systémique anormalement rapide ou une accumulation par élimination retardée peuvent induire des concentrations plasmatiques excessives de bupivacaïne ; il en résulte des signes de toxicité aiguë, pouvant conduire à des effets indésirables très graves. Ces réactions toxiques concernent le système nerveux central et le système cardiovasculaire.
En général avec les anesthésiques locaux, les signes de neurotoxicité précèdent les signes de toxicité cardiaque ; cependant en raison du profil particulier de la toxicité cardiaque de la bupivacaïne et en raison de l'association relativement fréquente d'une anesthésie locale à une sédation voire à une anesthésie générale, en particulier chez l'enfant, les signes de toxicité cardiaque peuvent être observés en même temps (voire avant) que les signes de neurotoxicité. Mesurées sur sang veineux, les concentrations circulantes totales de bupivacaïne auxquelles peuvent apparaître les premiers signes de toxicité neurologique et cardiaque sont de 1,6 µg/ml.
Ces effets sont les suivants:
Toxicité sur le système nerveux central
Elle correspond à une réaction dose-dépendante, comportant des symptômes et des signes de gravité croissante. On observe initialement des symptômes tels qu'une agitation, une appréhension, une logorrhée, des bâillements, des sensations ébrieuses, des paresthésies péribuccales, un engourdissement de la langue, de bourdonnements d'oreilles et une hyperacousie. Ces signes d'appel ne doivent pas être interprétés à tort comme un comportement névrotique. Des troubles de la vue et des secousses ou des contractions musculaires sont des signes plus graves qui peuvent précéder le développement de convulsions généralisées. Peuvent y succéder une perte de conscience et des crises convulsives tonico-cloniques, dont la durée peut aller de quelques secondes à plusieurs minutes. Une hypoxie et une hypercapnie surviennent rapidement lors des convulsions du fait de l'activité musculaire accrue ainsi que des troubles respiratoires. Une apnée peut survenir dans les cas sévères.
Toxicité cardiovasculaire
La bupivacaïne a une toxicité cardiaque particulière. Des concentrations plasmatiques élevées peuvent induire des troubles du rythme ventriculaires graves tels que des torsades de pointes, une tachycardie ventriculaire pouvant conduire à une fibrillation ventriculaire puis a une asystolie par dissociation électromécanique. Des concentrations plasmatiques excessives peuvent également induire une bradycardie majeure et des troubles de la conduction auriculo-ventriculaire ; sur le plan hémodynamique, une baisse de la contractilité avec hypotension peut également s'observer.
L'ensemble de ces perturbations peut conduire à l'arrêt cardiaque.
Traitement
Il est nécessaire d'avoir à disposition immédiate des médicaments et du matériel de réanimation.
S'il apparaît des signes de toxicité systémique aiguë pendant l'injection de l'anesthésique local, celle-ci devra être arrêtée immédiatement.
Une ventilation au masque en oxygène pur doit être immédiatement instaurée ; elle est parfois suffisante pour faire cesser les convulsions. Il faut également s'assurer de la bonne perméabilité des voies aériennes.
Si les convulsions ne cessent pas en 15-20 secondes, un anticonvulsivant sera administré par voie veineuse comme par exemple du thiopenthal (1-4 mg/kg) ou des benzodiazépines (0,1 mg/kg de diazépam ou à 0,05 mg/kg de midazolam) ; de la succinylcholine sera administrée pour faciliter une intubation en cas de convulsions subintrantes.
Les défaillances circulatoires seront traitées par des bolus de 5-10 µg/kg d'adrénaline, sans dépasser cette dose afin de ne pas provoquer de tachycardie ou fibrillation ventriculaires. Les troubles du rythme ventriculaires seront traités par défibrillation. L'administration d'émulsions lipidiques devrait être envisagée.
On prendra les mesures nécessaires pour lutter contre l'acidose, respiratoire et métabolique, et contre l'hypoxie afin d'éviter une aggravation des signes de toxicité.
La surveillance sera prolongée en raison de la forte fixation tissulaire de la bupivacaïne.